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elsia
14 mars 2009

"To know the world one must construct it" Pavese

"L'émission qui passait sur Télé-Chouette était Hauteur de vue, l'émission animée par Tudor Webastow, Peut-être pas le meilleur à coup sûr le plus grand journaliste de la télévision. Il était en train d'interviewer Cherie Yogert, ministre de la Culture dans le gouvernement du Sens Commun.
- ... Et le premier classique à être transformé en livre-réalité ?
BennetFamily- Orgueil et préjugés, déclara fièrement Cherie Yogert. Il va être rebaptisé Les Bennets et le feuilleton sera diffusé en direct dans votre exemplaire familial dès après-demain. Situé dans l'Angleterre guindée du début du XIXe siècle, il met en scène Mr et Mrs Bennet et leurs cinq filles, à qui certaines missions vont être confiées. Un vote désignera celles qui seront éliminées, et la gagnante participera à Northanger Abbey, qui à son tour fera l'objet d'une nouvelle lecture "interactive".
- Van de Poste a donc consenti au pillage total de ce que la littérature compte de plus précieux, observa Webastow en choisissant ses mots.
- Pas total, rectifia Mrs Yogert. Uniquement les ouvrages écrits par des Anglais. Nous n'avons pas le droit de faire n'importe quoi avecles oeuvres des autres pays. Ils peuvent s'en charger eux-mêmes. De plus, je trouve que "pillage" est un terme un peu fort. Dans notre jargon inintelligible, nous préférons partler de "mutation marketosensible", ou "d'amélioration participative". C'en est fini des classiques ennuyeux, interminables et incompréhensibles sans un solide bagage universitaire. Les romans-réalité représentent l'avenir, et les membres du Conseil des Livres Interactifs possèdent toutes les compétences pour nous y conduire !

- Est-ce que tu entends la même chose que moi ?
- Malheureusement oui, murmura Landen à mes côtés.
- Il est temps de nous débarrasser du joug despotique que représente pour une oeuvre le concept d'auteur unique, reprit Mrs Yogert, et à l'époque qui est la nôtre, nous devrons tout faire pour apporter la démocratie au processus d'écriture.
- Je ne vois pas un auteur considérer son processus d'écriture comme un acte de totalitarisme créatif, dit Webastow avec gêne. Mais poursuivons. Si j'ai bien compris, vous possédez les moyens techniques pour modifier l'intrigue d'un roman, et ceci dans tous les exemplaires connus et de manière définitive. Ne serait-il pas plus prudent de conserver les versions originales commeelles sont et d'en écrire de nouvelles ?
Cherie Yogert sourit avec condescendance.
(...)
L'émission se poursuivit par un reportage sur le fonctionnement du "livre interactif". On palait de "technologies nouvelles" et de "récit défini par l'usager". Un tissu de connerie."
Le début de la fin, Jasper Fforde (un peu en deçà des aventures précédentes de Thursday Next, je dois l'avouer mais ce passage en sauve une partie, dirons-nous!)

Sautons joyeusement d'une page vers une autre soit celle du programme du Salon du Livre de Paris qui a ouvert ses portes hier et propose tout un parcours autour du livre numérique... d'ailleurs cet aprem à 16h, il y a justement une table-ronde sur l'e-book actuel, et  je noterais mardi à 14h30 et mercredi à 11h30 des interventions sur le livre numérique pour enfants, volet manuel scolaire puis livre interactif pour "natifs numériques" comme on dit, ce qui fait le lien avec ce dont je voulais parler ensuite.
Pas encore de livre-réalité, mais beaucoup le disent : à quoi bon faire un livre numérique sans intéractivité ? (à part la capacité de stockage, j'entends, mais dont on s'épuise rapidement en général)

Kay72p2J'ai assisté à une lecture en février dans la droite ligne de tout cela : "Programmer l'album, enjeux numériques de l'édition", par Gilles Rouffineau de l'Ecole des Beaux-Arts de Valence (leur site est génial, j'ai passé 10min à m'éclater, un peu comme le site de Hervé Tullet qui ne m'a pas livré encore tous ses secrets malgré une pratique intensive !), quoique je crois qu'il ait quitté son job vu que son poste a été publié, enfin bref.
Un rapide retour en arrière lui a fait démarrer son intervention avec ce cher vieux dynabook, qui n'a rien de poussiéreux comme concept, ce qui est normal quand le concepteur en question est Alan Kay dont la boîte à idées alimente toujours bon nombre des brainstormings d'Apple&Cie !
Juste pour appréhender un tout petit peu l'ampleur, la note de projet de 1972 d'Alan Kay sur son dynabook, ça fait juste un peu peur de clairvoyance, juste un peu, mais c'est souvent le cas quand on fourrage dans les papiers de types comme Kay : "This note speculates about the emergence of personal, portable information manipulators and their effects when used by both children and adults. Although it should be read as science fiction, current trends in miniaturisation and price reduction almost guarantee that many of the notions discussed will actually happen in the near future.", non ? tu crois ?
Si jamais le dynabook vous botte : le PhD. de John W. Maxwell sur le sujet est en ligne.
Et soudainement on a une illumination sur pourquoi Toshiba a créé toute une ligne appelée "dynabook"... et je ne ferai AUCUN commentaire sur le fait que ce soit Yamashita Tomohisa qui fasse la promotion de cette gamme d'ordi axée sur le ludique, aucun commentaire !

lizzy_bennet_pride_prejudice_bbc_400

Mais la différence fondamentale entre ce que Kay souhaitait et la situation actuelle est la programmation : son dynabook était avant tout un outil, comme un piano dit-il, et l'enfant maîtrisait son contenu via la maîtrise du langage de programmation, ce à quoi Rouffineau opposait la pertinente question : "Mais est-ce l'enfant qui programme l'ordinateur ou l'ordinateur qui programme l'enfant?".
Quoi qu'il en soit, rien de passif comme quelqu'un qui se plante devant un écran et digère du contenu en gros, il y en a qui appelle ça du "cyber-hédonisme", jolie formule, concept un peu moins. Quand on voit comme les actions du mouvement démocratique en Corée du Sud des années 80-90 aux 2000 vers une citoyenneté de réseau puis vers une cybercitoyenneté impliquée politiquement, nous amène à ce que tout ce que les jeunes "netizens" adolescents actuels semblent savoir faire, c'est provoquer le suicide de starlettes et jeunes premiers par insultes via minihompies de cyworld interposés... quel gaspillage d'énergie ! Je m'emporte, je m'emporte, enfin bref.
Sur les netizens coréens et leur rôle en politique : ce texte de Ronda Hauben -la maman du Michael qui a créé le mot "netizen", oui, paix à son âme- disponible sur le site de Columbia " The Rise of Netizen Democracy - A case study of netizens' impact on democracy in South Korea" est particulièrement éclairant, et en plus récent : "Online Grassroot journalism and participatory democracy in South Korea" par la même auteur, toujours à Columbia.
Sur les hauts et bas de la "Webciety" coréenne, cet article du début du mois du Korean IT Times : "The Rise of the Netizen". Pas d'études ou d'articles vraiment officiels sur la part sombre des netizens, on ne dit pas ces choses là, ça ne donnerait pas une bonne image de cette société hyperconnectée dont la Corée est si fière...

Connectés ou pas, les êtres humains restent donc des humains, pour le meilleur comme le pire, l'informatique ne fait toujours que ce qu'on lui demande de faire.
Sans état d'âme.
C'est peut-être ça le problème.

Je trouve que c'est une honte que Google ose appeler son interface de smart-phone "Androïd", ce mot est trop beau pour un si minuscule projet.

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